mercredi 15 janvier 2014

L'hiver vient

Il parait que l’hiver vient, je n’ai jamais connu de saisons mais l’hiver vient… moi, fœtus de sage-femme je ne sais pas trop ce qui m‘attend dehors. J’ai rêvé de mon futur métier plusieurs fois, je suis allée en stage, j’ai vu. J’ai vu des sages-femmes stressées par le temps. J’ai vu des « appelle l’anest il pose en salle 3, la 2 vient d’arriver en salle, elle a pas encore mal, mais, c’est plus pratique tu sais ». Ça m’a paru normal, moi grande novice dans ce grand méli-mélo où je n’y comprenais rien. J’ai branché le touiteur, et j’y ai vu une autre vision de la sage-femmerie, ce que je veux plus tard. J’y ai vu @ambreSF @nounoups, @10lunes @sophiesagefemmme @Orcrawn et tant d’autres discuter. J’ai ouvert mes yeux d’ignorante et j’ai découvert qu’on ne soigne pas les femmes actuellement, on les rabaisse, on leur dit de faire, elles ne font plus. Elles n’accouchent plus, nous les accouchons ! Je refuse d’être une sage-femme qui accouche. Mais je suis étudiante, je suis là pour fermer ma gueule, dire oui oui et faire ce qu’on me demande.

Mais voilà, du haut de ma très faible expérience je suis mal. J’ai peur de devenir aigrie et formatée par des protocoles. J’en ai discuté avec beaucoup dans ma promotion, on est beaucoup du même avis : « et si on avait plus de temps pour les accompagner des femmes ? » si on nous laissait plus de temps. Plus de place à la clinique qui est plus humaine que la paraclinique.

Parce que, quand on voit que la maison mère ne peut fonctionner sans ses étudiants, on peut se poser des questions. Pour quoi on sous-embauche. Et là-dedans qui en pâti le plus ? La sage-femme ? La femme ? La femme et son enfant !

Alors non, je ne suis pas vraiment encore dans le métier mais j’ai peur, j’ai très peur, j’ai envie d’accompagner ces femmes comme je le souhaite, mais je ne suis pas sûre de pouvoir un jour.

Je réponds donc à l’appel d’Orcrawn. Oui j’écris, j’écris mal certes, mais j’écris. J’écris parce que c’est notre seule arme. On a beau râler dans la rue, il y a trop de manifestations en France pour que la nôtre ait un impact quelconque. C’est une goutte d’eau dans tous les océans réunis.  J’ai peur pour toutes ces femmes enceintes qui ne connaissent pas la moitié de ce qu’est un accouchement normal (mais vraiment normal !!) je ne suis pas sure de le savoir moi-même.

J’écris parce que je fais partie de ces dernières fournées de sages-femmes à qui on apprend encore plus qu’avant, mais qui sont toujours reconnues de la même manière, pas vraiment infirmière, pas vraiment médecin, un statut flou.

J’écris parce qu’il faut que ce statut soit précis et bien réglé, je ne suis ni médecin, ni infirmière, je serai sage-femme, mais ça, ça rentre pas dans leurs petites cases à l’hôpital.

J’écris parce que parler à 2-3 personnes ça va pas faire avancer le schmilblick. J’ai peur pour ma future profession. Vraiment.

J’écris parce qu’il a fallu qu’une sage-femme n’aille pas travailler pour qu’on commence à parler de nous. Parce que quelques petits milliers de femmes qui crient dans la rue, c’est marrant, mais ça marche pas trop dans leur têtes à eux. A eux là-haut qui décident pour nous, sans vraiment se rendre compte des problèmes d’ici. Des problèmes d’en bas.

J’écris parce que la mortalité périnatale et maternelle en France est très mauvaise pour un pays comme le nôtre et que si on avait plus de temps pour ces femmes, ces couples ça irait peut-etre surement mieux.


Je veux devenir une sage-femme qui accompagne, pas une sage-femme qui accouche. Et si la situation reste ainsi je ne serai pas la sage-femme que je veux. Tant pis pour moi, mais quel malheur pour ces femmes qu’on saucissonne à une table, les jambes paralysées qui font « comme tout le monde » parce que ça semble être la norme. Non ce n’est pas la norme mesdames.

J’apprends à être une bonne technicienne, pas à être une bonne oreille, je n’apprends pas à ranger mes mains dans mes poches et regarder la nature, j’apprends à la forcer. Oui, il faut que je sois une bonne technicienne mais que la technique ne soit pas mon unique manière de travailler !

J’écris parce que mon oignon à moi il est encore tout beau, que j’ai encore l’insouciance de celle qui ne sait pas, mais je commence à savoir, je commence à avoir peur.

En fait j'ai surtout l'impression que ce n'est pas que l'hiver qui vient mais bien une ère glacière.

1 commentaire:

  1. Je ne dirai que 3 mots : bravo et longue vie à ton blog.Je suis très fière de voir que la relève sera plus lucide que nous ne l'avons été

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